samedi 9 septembre 2017

Une idée en forme de rampe de lancement

J’ai eu une idée. En fait, des idées, j’en ai plein. Elles pourraient être disciplinées et avancer vers moi par thématiques, en rangs serrés, organisées comme à l’armée et former des carrés bien rangés. Mes idées à moi, elles sont plutôt débridées. Elles me viennent de partout et à n’importe quel moment. Elles tournent autour de mon volant quand je conduis, elles s’accrochent aux lacets de mes baskets quand je sors pour marcher ou grimpent dans mon sac de courses au supermarché. Elles me frappent en plein front alors que mon vis-à-vis me raconte quelque chose de triste. Une idée de consigne pour un petit déjeuner, une idée d’atelier autour du thé, une autre à propos de la terre que l’on centre. Une idée pour dîner, une autre à propos de l’agencement d’une chambre ou de nouveaux vêtements à coudre. Plus j’ai de temps devant moi et plus les idées sont là autour qui dansent en tous sens. Et je ne vous parle même pas des assauts parfois saugrenus des milliers d’idées pour écrire mes romans.

Quand les nouvelles sont mauvaises, mes idées s’en vont. À la moindre contrariété, elles me désertent, prennent la poudre d’escampette. Cette semaine, il y a eu plusieurs annulations : des gens qui s’étaient engagés à suivre des ateliers ne pouvaient plus venir. Travaux aux mauvais endroits, lignes de transport en commun déficientes, dos récalcitrants, enfants à aller rechercher, une fête improvisée, un rendez-vous médical, des tergiversations sans fin… J’ai senti le découragement se pointer. C’est le champion pour faire fuir les idées. Pourtant cette fois-ci, je n’avais pas envie de les voir partir. Ce sont mes amies. Alors j’ai posé ces annulations sur une petite étagère dans ma tête et je leur ai demandé de se tenir tranquilles le temps que je reprenne mes esprits. J’avais besoin qu’elles n’effraient pas mes idées, j’avais besoin qu’elles ne m’empêchent pas de penser. Je n’allais pas changer le trajet des travaux ni résoudre le mal de dos. Je n’allais pas non plus modifier les horaires scolaires ou résoudre les prises de tête de la terre entière.

J’allais donner la possibilité à ceux qui ne pouvaient pas se déplacer de suivre les ateliers à distance. Une sorte d’offre de lancement. Ça été plus fort que moi : j’ai vu une rampe à laquelle était attachée la fusée Ariane. J’étais en cinquième primaire quand j’ai découvert dans le Tremplin qu’il y avait une fusée européenne qui portait mon nom. Je ne connaissais que l’histoire du fil et du labyrinthe, à l’origine du choix de mon prénom. Maman était en latin grec. Mon homonyme longiligne prenait toute la page de la revue, ce qui m’avait permis de l’observer à la dérobée… elle était pointée vers le ciel, obstinée, résolument décidée à décoller. Sans doute du même caractère trempé que celle qui voulait sauver Thésée et avait espéré l’épouser. Un décollage, ça demande beaucoup de préparations, de tests, d’adaptations, voire même parfois de réparations. C’est dans ces moments-là que les idées sont les bienvenues.

Et celle qui a frappé à la porte de mon cortex avait un petit air conquérant, un rien condescendant : « Tout le monde a accès au net à l’heure et au jour qu’il souhaite pendant que toi tu te bats avec les aléas d'un agenda papier. Pourquoi tu ne proposes pas tous tes ateliers à distance ? Tu envoies les consignes avec leur matériel – théorique et/ou pratique – et quand tu reçois en retour l’exercice réalisé, tu le commentes par mail ou par Skype. Cela fonctionnera pour l’alphabet de l’écrivainles nouvelles en tous genresl’atelier scénario ou le laboratoire roman. » – « Mais ce sont quatre cycles longs » ai–je eu le mauvais goût de contester. L’idée a levé les yeux au ciel avec un petit air exaspéré et une copine à elle est arrivée, armée d’un sourire jusqu’aux dents. « Relance tes ateliers en ligne et même des consignes depetit-déjeuner pour donner aux gens la possibilité de tester ta façon d'animer. » Une troisième idée s’est pointée, avec une casquette et des gros muscles : « Et tu le fais au prix du collectif. Tu n’as qu’à dire que c’est une offre de rentrée. Ceux qui s’inscrivent avant le 15 octobre bénéficient des tarifs collectifs pour le service individuel. »
Je me suis assise, parce que tout ce petit monde qui s’agitait là-haut, ça me donnait un peu le tournis. Il y avait justement, là sous mes doigts, un clavier relié à son ordinateur et j’ai commencé à écrire ces quelques lignes pour vous dire qu’il reste des places dans tous les ateliers. De vraies places autour d’une table avec des chaises selon un agenda qui n’a rien de virtuel. Et si le premier rendez–vous est compliqué à honorer, il est tout à fait possible de rejoindre les groupes dès le deuxième, nous veillerons à le récupérer en aparté. Vous dire aussi qu’il y a, disponible grâce à la toile, le même programme "à distance" et au même prix. Et en super promo, la formule petit-déjeuner à 25 € à distance au lieu de 30 € sur place, en guise de rampe de lancement.

Je vais pouvoir libérer celles que je pensais être de mauvaises nouvelles. Je les vois qui s’envolent  en fumée au pied de la fusée. Cette fusée qui déjà s’élève dans les airs pour vous apporter mon offre. Une offre de lancement. Je vous laisse pour appeler ma maman : je brûle de la remercier de m’avoir choisi un prénom qui permet de sortir de la plupart des situations. J’entends déjà papa derrière elle ajouter « Detoutes les situations, ma chérie ! Et tu sais pourquoi ? » – « Oui papa. Parce qu’il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions. » Et vous savez quoi ? Pour une fois, ça ne m’énervera même pas. Je réalise que cette phrase–là, pour papa, elle agit comme un mantra. Un mantra capable de chasser le découragement.

Merci pour ce petit moment de psychanalyse en votre compagnie. Je me sens vraiment mieux. Comme quoi, écrire, ça fait souvent du bien...

À bientôt,
Ariane